L’honneur, une vertu sociale
Parlons donc d’Honneur, un sujet très compliqué, pour lequel on fait plein de bêtises en se croyant légitime, et qui est souvent mal compris dans la société occidentale urbaine du 21ème siècle. Car l’honneur, ce n’est pas juste réclamer vengeance quand on a été insulté, ou vouloir un duel parce qu’on s’est senti humilié. C’est vraiment beaucoup plus complexe que cela : l’honneur, c’est la stabilité, la droiture, l’assurance, la fidélité, la source de la famille et du foyer.
Je remercie Torri, professeur de Gorean University, pour son inspiration et ses références pour la rédaction de cet article.
Citation :
Le 97e aphorisme des codes (des Rarii) que l’on m’a enseignés se présente sous la forme d’une énigme : « Qu’est-ce qui est invisible mais plus éclatant que le diamant ? Qui est silencieux mais assourdit le tonnerre ? Qui ne pèse rien, mais qui est plus lourd que l’or ? »
– L’honneur , ai-je dit.
Vagabonds de Gor, Page 305
1- Définir l’Honneur
L’Honneur, défini académiquement, dans le dictionnaire et sur Wikipédia, c’est le fait d’agir en priorité en vertu de ses convictions, en lien avec les principes partagés par sa communauté, son peuple, ou encore les croyants de sa religion. L’Honneur est un code de conduite qui n’est pas personnel, mais qui est partagé par la famille, la communauté et les représentants du pouvoir dont on est issu. On le gagne par des actes et décisions admirés par la collectivité, on le perd par des trahisons, crimes et humiliations que les siens réprouvent. Des toues les vertus, l’Honneur est la plus visible, et la plus publique, elle ne peut être cachée ou secrète.
L’honneur est ce qui définit un goréen socialement. Sans honneur, il n’a plus de parole et ne peut plus être considéré de confiance ou fiable : c’est un infâme, un vil. On ne le soutiendra plus et il sera honni, méprisé, et rejeté des siens, jusqu’à l’ostracisme et au bannissement. L’honneur est culturel et social, mais il n’a aucun sens du bien ou du mal tel que nous le concevons au 21ème siècle : dans nombre de sociétés humaines, antiques ou contemporaines, une jeune femme violée, pourtant victime, perds son honneur et sera souvent répudiée ou ostracisée, voire poussée au suicide, à cause du crime dont elle a été victime. Dans ma propre culture, la Corse, une entorse à l’honneur d’un parent rejaillit sur ses enfants, même si le parent est mort et même si les enfants sont totalement innocents du crime ou de l’outrage dont le parent est responsable. Cet accroc à l’honneur peut suivre une famille sur des générations, et même contaminer les amis et alliés de cette famille !
L’honneur se transmets et, contrairement à une idée répandue, il n’est pas un bloc monolithique, mais une somme, un capital, qui, comme la richesse, s’investit, se donne, se dépense, et peut être gagné et perdu. Un individu sans honneur en a souvent en fait encore, par ses actes et ses décisions. L’honneur ne peut être mesuré par l’individu, mais par le groupe auquel il appartient. Seul le plus vil des félons, sans scrupules ou repentir, n’en a plus du tout, pour qui que ce soit.
2- Les actes d’honneur des goréens
L’honneur étant une vertu sociale et publique, elle dépend de la culture d’origine du personnage, mais les principes suivants sont considérés par tous comme Honorables.
- La parole donnée ne se reprend pas : jurer, promettre, ou passer un marché ne se défait pas sans accord de la personne concernée. Trahir un serment ou un marché est une terrible offense pour un goréen. La parole donnée concerne aussi l’autorité. Si un goréen prend une décision ou donne un ordre, il ne reviendra pas sur sa parole – en tout cas pas publiquement – ce serait faire preuve de faiblesse, et donc de déshonneur.
- Ne servir qu’un maitre : un goréen n’accepte qu’une seule allégeance à la fois. S’il sert un seigneur, un patron, ou un protégé, il n’a plus d’autre allégeance que celle-ci et il ne la trahira jamais. Trahir son allégeance est une offense impardonnable pour un goréen. Même si sur Gor SL, pour des impératifs pratiques, on change de Pierre de Foyer souvent, un goréen ne trahira jamais sa Pierre de Foyer et en théorie, n’en changera jamais (même si sa cité est dévastée !).
- Assumer ses actes, endosser sa responsabilité : commettre une erreur, un délit, un crime, est de la seule responsabilité du fautif, y compris par négligence ou imprudence, même s’il est la victime. La responsabilité individuelle, sur Gor, passe avant les règles, les lois et les décrets. Ainsi on ne plaint guère quelqu’un de devoir payer les conséquences de ses actes. Nier sa responsabilité, voire pire encore, mentir ou tenter de tricher pour rejeter la faute sur autrui est un déshonneur. C’est une règle dont les dérives et abus peuvent provoquer des drames, comme une jeune femme perdant son honneur après avoir été victime d’un viol.
- Souffrir sans se plaindre, mourir sans supplier : en être capable est grandement respecté par les goréens, qui mépriseront facilement ceux qui larmoient et supplient, d’autant plus si ces derniers sont des combattants. On notera qu’on ne parle pas de se battre jusqu’à la mort, sans fuir. Les goréens admettent parfaitement la nécessité de se rendre ou de fuir en cas de défaite. Seules certaines unités de Rariis, ou les guerriers les plus redoutables du grand nord ou des Sauvages Rouges, refusent toute fuite.
- Ouvrir sa porte à l’étranger, respecter la maison de l’hôte : respecter les codes et les principes de l’hospitalité. Les goréens partagent toujours la soupe, un coin-de-feu et une paillasse pour le voyageur (et je ne parle pas de partager ses esclaves, une règle de l’hospitalité, mais il faut en avoir une pour cela) Celui-ci sera d’autant plus honoré si en échange, il rend service, ou laisse un présent, même symbolique, pour ses hôtes. Ne pas ouvrir sa porte à un voyageur est très mal vu, même si, dans les lieux les plus reculés ou encore en temps de guerre, c’est une règle peu respectée.
- Ne pas laisser une offense impunie : la notion d’offense dépend de la susceptibilité de la victime et de la gravité du crime. Les goréens peuvent très bien s’insulter comme des charretiers ou s’arnaquer mutuellement sans en prendre ombrage, alors que d’autres prendront comme offense un regard trop insistant. Mais quand un goréen subit une offense grave, il doit la faire payer, surtout si elle eut lieu en public. Un homme peut très vite perdre la face à ne pas répondre à une offense grave, d’autant plus qu’elle est connue. Il est rare que la réparation débouche sur la mort, car les goréens ne sont pas vraiment des meurtriers, mais cela arrive.
- Respecter la vie, d’autant plus les enfants: les goréens n’aiment pas forcément tuer et s’ils peuvent régler le problème autrement, ils vont préférer trouver une alternative, y compris les travaux forcés et l’asservissement. Les massacres gratuits, tortures et crimes sadiques sont mal vus : ils sont rares, et considérés comme l’œuvre d’un esprit malade et dangereux. Plus particulièrement, les goréens considèrent les enfants sacrés : s’attaquer à des enfants (ou une femme enceinte) ou les tuer est absolument impardonnable. Un autre crime impardonnable est l’incendie volontaire. Que ce soit une ville ou une forêt, détruire par le feu est un acte déshonorant au possible.
- Obéir à la religion des Prêtres-Rois et aux Initiés : même si c’est très loin d’être une constante, la majorité des goréens sont superstitieusement respectueux des Prêtres-Rois, et de ses représentants, les Initiés. Même si c’est dans les faits très largement contredit, tout goréen considère honorable de respecter un Initié, qu’on appelle souvent Béni . L’idée qu’on puisse les agresser est effrayante pour la plupart des goréens. Bien sûr, cette règle ne s’applique pas à qui n’est pas né dans cette religion, comme les hommes du nord.
- Respecter sa caste & sa place dans la société : Les goréens sont tous, dans la société des Prêtres-Rois, principalement, membres d’une caste, héritée de leurs parents. Les fils et filles d’un boulanger sont tous de la caste des boulangers de leur père. Les castes et leur hiérarchie est un des piliers de la société ; tout goréen est fir de sa caste. Et que ce soit le médecin, le guerrier, le marin ou le pécheur, tout membre d’une caste considère sa caste comme meilleur et plus importante que les autres, et ne laissera jamais une offense ou une menace à sa caste impunie. Bref, ne traitez jamais un paysan de « sale paysan ». C’est un coup à vous prendre toute la caste sur le dos, et c’est la caste la plus répandue du monde de Gor !
L’Honneur des femmes
Oui, c’est un sous-chapitre. Pourquoi ? Parce que l’Honneur des femmes est presque le même que celui des hommes, sur Gor ou ailleurs. Les femmes peuvent sembler modestes, mais elles ont la même fierté, et les mêmes principes de l’Honneur que les hommes. Il faut juste bien se rappeler des droits et devoirs de la femme goréenne pour appliquer ces codes d’honneur. La grande différence ? Les codes sociaux liés à l’apparence, à la pudeur et à la chasteté.
Si l’apparence et la manière de s’habiller sont des choses importantes pour tous les goréens, il y va de l’Honneur des femmes que d’être particulièrement soignées à ce sujet. Les femmes représentent en fait la richesse et les moyens de la famille, et elles se doivent de le présenter au mieux à la moindre occasion. Une femme sale et négligée, c’est qu’elle a fait un travail pénible et que vous la voyez à la sortie du travail… car elle ira se laver, et sans doutes se changer, dès qu’elle le pourra.
Ah oui… Pétons un onlinisme : NON, une femme pieds nues n’est pas systématiquement asservie. Vous êtes au courant que la chaussure ne s’est généralisée qu’à partir du XIXème siècle et que jusque dans les années 50, la majorité des enfants dans les écoles rurales allaient pieds nus ? C’est que ça coute cher, des chaussures ! Même des sabots ou des sandales ! on les garde pour l’hiver ou pour les longues marches, pour les économiser !
La pudeur, je pense que je n’ai pas besoin de l’expliquer. Les femmes retiennent leurs expression d’émotions et d’affection en public, elles évitent de sourire et surtout de montrer qu’un compliment leur plait. La réputation de froideur er de distance des femmes libres n’est pas juste une réputation. Plus une femme est froide, et cache ses émotions pour rester maitresse d’elle-même, et plus elle est honorée.
La chasteté : pareil. Ne pas respecter ce principe, c’est agir comme une esclave, et on se doute que ça finit mal. Un goréen ne tente pas de séduire une femme libre, parce que tout le monde sait que c’est peine perdu ; et de toute manière, ce n’est pas ainsi que fonctionnent les contrats de compagnonnages, qui sont des contrats entre famille. Une femme libre, ça ne montre pas de désirs, pas de besoins sexuels, et ça ne réponds que par l’indifférence et le mépris à l’homme qui s’abaisse à lui faire des avances. Bon, ça, c’est en public ! Comme dans la Rome antique, derrière les murs de la maison, la femme libre, si elle a de la chance, ou les moyens, peut se faire plaisir et ne se gêne pas. Mais jamais ça ne doit être su en dehors des murs de sa maison.
3- L’honneur, c’est compliqué
L’Honneur ne peut être mesuré par celui qui le détient ; c’est une mesure sociale, en quelque sorte la mesure du degré de confiance et de fiabilité d’un individu, qu’il soit bon ou mauvais. Mais ça n’en reste pas moins un trésor très personnel : en fait, il faut le considérer comme une somme dans laquelle on doit toujours investir par ses actes, au risque donc, de perdre une partie de cette somme.
Pour être plus claire, je vais donner un exemple : un guerrier brutal et peu soucieux d’honorer les femmes, se comporte avec elles comme un goujat brutal, et est donc souvent confronté à des individus qui, outrés par son comportement (famille, amis ou protecteurs des femmes injuriées), lui demandent des comptes. Comme c’est un guerrier, il propose de régler cela en duel. On imagine bien qu’il vaut mieux pour lui ne pas perdre, car chaque défaite, c’est un peu de son honneur, investit dans le duel, qu’il perdra. Mais en fait, même gagner tout le temps va finir par lui faire perdre de l’honneur. Car à chaque fois qu’il répond à une demande de réparation par un duel, il prouve que son seul honneur, il le place dans sa force, pas du tout dans sa capacité à respecter les codes d’honneur des autres, qui ici se résument à : traiter les femmes avec respect. Dès lors, il perd de l’honneur, puisque tout le monde va vite savoir qu’il n’est pas fiable vis-à-vis des codes de sa propre communauté. S’il sera respecté et honoré comme guerrier, il ne le sera pas comme homme social aires des femmes, et de leur famille qui ont été elles aussi outragées par son comportement indécent.
Ainsi, l’honneur est multiforme, et un homme réellement honorable est aussi bien un homme qui défend son honneur par la force et les mots, respecte sa propre parole et ne recule pas face à un duel, mais est aussi capable de respecter non seulement ses chefs et égaux, mais aussi les plus faibles, ou ceux en situation de soumission à son autorité. Autant dire qu’un homme qui méprise tout le monde et réponds à toute offense par l’épée n’a, en fait, aucun honneur : il est juste fort… jusqu’à ce qu’il affronte plus fort que lui (et un seigneur entouré de ses gardes, officiers et agents de police est forcément le plus fort !)
L’honneur n’est pas non plus une vertu qui se mesure pour seulement un individu, il peut être investit chez les autres, et même servir à redonner un honneur à quelqu’un, non sans risques ! Et je vais ici donner un exemple historique. L’un des plus légendaires chevaliers français, Roland de Ronceveaux, a tué son seigneur, auquel il avait juré fidélité, suite aux vilénies de ce dernier. C’est un crime impardonnable. Seuls les pairs de ce seigneur ont ce droit de justice, mais bon, Roland, c’est un chevalier au sang chaud. Cela dit, son acte est totalement déshonorant. Mais l’empereur Charlemagne, qui apprends l’histoire, mais connait la valeur guerrière du chevalier, le prends à son service et le lave de tout crime. Charlemagne a intérêt à savoir ce qu’il fait. Roland est fougueux, et si jamais, sous les ordres de l’Empereur, il commettait le moindre acte déshonorant selon les codes de l’époque, Charlemagne perdrait de sa fiabilité et de sa crédibilité, donc, de son honneur ! Et un Empereur déshonoré, même un peu, il a du mal à garder son trône, ou sa tête. Ce qui a d’ailleurs failli arriver, mais fort heureusement, Roland a écouté la voix de la sagesse (un prêtre) au dernier moment, et il est devenu le plus vaillant, preux, honorable et fidèle chevalier de toute l’histoire de France (même si on est surtout dans la légende). Charlemagne a investi de son honneur, au risque d’en perdre, pour gagner un homme impossible à acheter avec tout l’or du monde. Et finalement, un bon investissement qui a encore fait grandir l’honneur de l’Empereur.
4- L’honneur n’est pas inné.
Bon, je suppose que Norman n’a jamais fait l’armée et n’a jamais non plus pratiqué d’arts martiaux pour écrire cela ; car si les codes de l’honneur moderne sont très spécifiques, ces codes d’honneur sont très marqués et respectés, surtout dans les milieux en rapport direct avec la guerre ou le combat. C’est même une des premières choses qu’on apprend !
Et oui, l’honneur s’apprends, on ne nait pas avec un sens de l’honneur par magie : il est indéfectiblement lié à la culture dont nous sommes issus et est souvent le reflet de ses principes moraux et de ses lois. Même un individu ayant vécu loin de toute société, isolé, a grandi, depuis l’enfance, dans une communauté et une culture, avec sa morale, ses codes, ses lois, et sa définition de ce qui est honorable ou pas. Une définition qui n’est pas née par magie. Elle est forcément liée aux lois et aux croyances de cette culture, mais aussi à ses règles morales.
Par exemple, je vis en Suisse, et, en Suisse, la pire des impolitesses est de ne pas arriver à l’heure à un rendez-vous. N’arrivez jamais en retard de plus de dix minutes, et pire, encore, n’arrivez jamais en avance plus de cinq minute. Vous serez réellement perçu comme une sorte de barbare impoli si c’est visiblement votre habitude. Seuls des amis de très longue date peuvent ignorer cette loi, dans leurs relations privées. Autant dire que, pour moi, qui vient d’une culture où quand on vous donne un rendez-vous, la règle est d’arriver au moins trente minutes en retard, car l’autre personne sera forcément en retard, et que vous l’humilierez si vous arrivez avant elle, il a fallu que je m’adapte.
Une culture, une communauté, sans règles morales, sans lois tacites ou écrites, donc, sans honneur n’existe pas. Même les pirates ont toujours eu un code d’honneur, qui différait d’ailleurs des pirates du XVème siècle en méditerranée et ceux du XVIIème siècle dans les Caraïbes ou en Chine. Un individu sans honneur, donc sans règles morales et qui ne suit aucuns codes ou loi, le fait en toute connaissance de cause, car il est issu d’une communauté, d’une culture qui lui a inculqué ces règles depuis la petite enfance, et donc, les principes d’honneur qui vont avec. Ce qui permets d’aborder le point suivant.
5- Les esclaves ont-ils de l’Honneur ?
C’est compliqué. Oui, je sais, je l’ai déjà dit. Mais pour expliquer ce qui va être un paradoxe, il faut tenir compte de trois éléments.
En premier lieu, un esclave vient d’une culture, d’une communauté, même les esclaves d’élevage. Sauf ceux qui sont enfermés sans aucun contact extérieur et avec un strict minimum de relations sociales, les esclaves grandissent avec les enfants des familles libres, et donc, sont imprégnés des codes sociaux, des règles morales et des codes d’honneur de la culture où ils grandissent. Donc, ils ne peuvent pas ignorer l’honneur, et sans doutes vivent-ils un terrifiant avilissement détruisant leur honneur, aussi faible soit-il, quand on commence à les dresser selon les normes du dressage des esclaves goréens. Je ne serais pas surprise qu’une partie des pertes des esclaves en dressage vienne d’ailleurs de ça.
Ensuite, il y a, justement, le dressage. Si celui-ci vise à détruire la fierté d’une personne autrefois libre ou pouvant croire l’être, et l’avilir complètement pour l’animaliser, on lui apprend aussi, durement et sans pitié d’autres codes moraux, dont les plus importants sont la fidélité, la dévotion et l’honnêteté. Alors, que cela fonctionne bien ou pas, c’est un autre sujet. Mais pour l’esclave dévoué à son propriétaire, respecter ces codes, c’est son propre code de l’honneur ! Au-delà du risque que si l’esclave ne les respecte pas et que cela se remarque, il encourt des châtiments terribles, ce sont des principes totalement intégrés dans ce qui devient sa propre sous-culture et son mode de vie. Ne pas les respecter, ou en douter, pour les esclaves les mieux dressés, c’est clairement se déshonorer. Et je ne cite pas ces exemples par hasard : à Rome, Silvius Maurus, esclave instituteur très réputé, a supplié qu’on lui donne la mort pour avoir trahi son maitre. La trahison ? Il n’a pas su apprendre à lire et écrire à un enfant, qui visiblement était une peste, et sans doutes, on le suppose, dyslexique. L’esclave est mort, mais la famille de l’enfant a pris cher, car cet acte est retombé sur la famille et l’a déshonorée.
Et enfin, troisième point, le statut spécifique des esclaves sur Gor. L’esclave de Gor n’a aucun droit, même pas d’identité propre. À Rome, les esclaves pouvaient (pas tous, hein !) être payés, louer une maison, avoir une famille et même racheter leur servitude. Ils devaient ainsi respecter certaines des lois morales et des codes d’honneur des Romains et en tirer aussi avantage. Sur Gor, vous oubliez tout cela. Les esclaves de Gor ont encore moins de droits que les esclaves noirs du commerce triangulaire du XVII, XVIII et XIX siècle, et ce n’était déjà pas beaucoup. Donc, un esclave de Gor ne possède rien, pas même sa propre identité, donc… y compris pas son propre Honneur ! Son Honneur, et sa fierté, d’ailleurs, c’est à travers ceux de son propriétaire qu’il les expérimente et en profite, ou l’exprime.
Donc, mon interprétation personnelle, c’est que les esclaves ont de l’Honneur, mais celui-ci ne s’exprime bien entendu pas comme celui des Libres, et surtout, il reflète celui de leur propriétaire. Si le code d’Honneur des esclaves s’exprime dans la communauté spécifique qu’ils forment entre eux et crée des codes moraux et une hiérarchie informelle, l’honneur des esclaves passe par leur maitre. Mais cela ne veut donc pas dire qu’il n’existe pas ! La fierté et même l’orgueil des esclaves existent, ils ressentent aussi la vexation, la honte, l’humiliation, donc, ils ont un Honneur, et il leur est précieux. Simplement, socialement, les goréens ne le reconnaissent pas, en tout cas pas publiquement, sauf exception, puisque ce ne sont pas les mêmes codes, et que bon, c’est des esclaves quoi !
6- Comment interpréter l’Honneur ?
Vous aurez compris que vous ne pouvez pas décider que votre sens de l’Honneur, c’est juste la fierté, la susceptibilité, et la tendance à user de la force quand il est vexé, de votre personnage. L’honneur est basé sur l’ensemble des lois, codes sociaux et codes moraux du milieu où vous vivez. Votre honneur, ce sont les codes goréens que je résume au chapitre 2, et les codes que suivent les gens de votre culture et de votre communauté (caste, famille, etc)
Vous voulez une bonne référence ? Lisez les règles OOC et les lois RP de l’endroit où vous jouez, et vous avez une bonne baise sur la manière de jouer votre sens de l’honneur. N’oubliez pas que l’honneur est une valeur, une somme, qui se dépense, s’investit, se perds, mais se gagne aussi.
Il faut considérer l’Honneur comme un investissement, dont la valeur varie dès qu’on passe d’une communauté à une autre, mais qu’il faut toujours entretenir, car, publiquement, l’Honneur est toujours connu : il s’agit bel et bien du degré de confiance et de fiabilité qu’on prête à un individu. Un goréen se doit de rester honorable en tout temps, et devant les autres : l’artisan de talent modeste mais de grande générosité, par son aide, sa droiture et ses efforts auprès de sa caste, n’aura pas la même renommée et la même fiabilité en dehors de sa caste. Mais si un de ses clients se renseigne sur sa fiabilité, il saura tout de suite que l’artisan est réputé homme d’honneur.
Encore une fois, l’Honneur est une mesure sociale de la fiabilité et de la confiance d’un individu. Plus il est réputé avoir de l’honneur, plus il est respectueux des codes, de la hiérarchie, des individus, des traditions, de la parole donnée, et plus il est réputé droit, intègre. On attendra aussi de lui qu’il soit mesuré dans ses décisions et évite d’écouter sa colère, ses coups de sang ou ses caprices. Il peut très bien être réputé pour ses colères homériques, mais aussi pour sa capacité à en assumer les conséquences, à se contenir, à écouter les autres et admettre ses erreurs. Ce qui donne une bonne idée de comme interpréter l’Honneur, non ?
Bien entendu, les actes honorables impliquent aussi les victoires militaires, les actes guerriers réfléchis et réussis, ou encore les actes de courage et de ruse individuels, quand ils sont au bénéfice de sa famille ou de sa communauté. Car, encore une fois, la force et la vaillance, s’ils sont importants, ne sont jamais suffisants pour être honorables ! Il faut aussi que l’individu respecte sa parole, respecte la communauté, et fasse preuve de sagesse. Bref, l’Honneur, c’est beaucoup de choses et il n’est pas facile de l’être tout le temps.
À ce sujet, perdre la face, ce n’est pas si grave. Dans certaines sociétés, on pense que les individus ne peuvent supporter une tache à leur honneur, mais c’est faux. S’ils semblent avoir un sens de l’honneur tellement intense qu’ils peuvent se suicider pour cela, c’est que leur culture génère une pression sociale qui ne pardonne pas l’erreur. Si ces individus se suicident, c’est que pour leur honneur bafoué me retombent pas sur leur famille. Ils ne meurent pas pour laver leur honneur, mais pour que leur famille n’en subisse pas les conséquences.
N’oubliez pas que l’honneur reste relatif, et qu’il n’est pas un absolu. Il faut parfois perdre la face, ou perdre de l’honneur, pour rester en vie, et le regagner plus tard. Il est possible de trahir son seigneur, si c’est pour la bonne cause, et qu’on sait que l’on peut racheter son honneur près d’un autre seigneur.
Et enfin, et surtout : l’honneur n’est jamais la loi du plus fort. Ça ne fonctionne jamais ainsi, et si vous ne le comprenez pas, vous allez vite passer d’honorable à brute.