Les 5 Jeux de rôle de ma vie, le troisième sur cinq
Après Mage et Tigres Volants, l’article sur le troisième jeu de rôle qui a marqué ma vie de rôliste.
3- Pendragon
Attention, débarquement de Grand Ancien. Pendragon est un jeu de rôle qui propose aux joueurs d’incarner des chevaliers -mais pas que- aux illustres temps romancés de l’Angleterre du Roi Arthur et de la Table Ronde. Ecrit par Greg Stafford en 1985, j’ai personnellement utilisé la seconde édition sortie en 1992 par Oriflam.
Pendragon n’est pas un jeu historique du tout. Et si quand même et pas qu’un peu. C’est un peu son paradoxe, que j’ai apprécié et avec lequel on peut énormément jouer. L’action se passe à la fin de la chute de l’empire romain d’Occident, dans les invasions barbares de l’Europe, avec des goths, des celtes, des romains, des pictes, des saxons, des civilisés, des sauvages, des religions qui se regardent avec méfiance, et un parfum de magie et de sorcellerie… le tout en jouant des chevaliers de l’Amour Courtois, qui est un anachronisme, mais parfaitement cohérent par rapport aux romans et légendes arthuriennes compilés par Malory et Chrétien de Troyes. Ce qui donne un parfum étrange et exotique à ce monde médiéval que nous croyons connaitre, partagé entre les influences de cultures et de croyances contradictoires dans un monde aussi bien romantique, que pragmatiquement rude et cruel.
Et c’est un peu ce qui m’a fasciné avant tout… l’aspect : monde que l’on croit connaitre, mais dont on ne sait en fait rien. Les sources de contexte et historiques pour Pendragon, et surtout si on lui ajoute ses suppléments -dont et surtout Chevalier Aventureux- permettent d’imaginer des personnages riches, profonds, totalement à l’opposée de la caricature que nous avons du chevalier arthurien. Je suis une amoureuse des jeux à univers, et là, l’univers en question est développé avec beaucoup de profondeur.
Et puis y’a les règles. Dans les années 80, c’était soit D&D, soit le basic roleplaying system et ses d100, ses fumbles, ses critiques, ses personnages tirés au dé, etc…. Pendragon, basé sur le BRPS pourtant, prends le parti d’employer des d20 pour aller plus vite, simplifier, ne pas se perdre dans les règles du jeu, décider que tout doit être simple, accessible, léger. Puis de gérer un système de jeu qui fait avant tout la part belle aux aspects personnalité des personnages, et encourage et récompense roleplay, interprétation et théâtralité. Il impose même ses normes, car tout chevalier est défini par ses passions une opposition entre des vices et des vertus (courage/couardise, vigueur/paresse, chasteté/luxure, etc…) chacune notée sur 20, et dont le total des 2 opposés doit faire 20. Quand un personnage veut puiser dans une passion pour en retirer un bonus, il fait un test et c’est parti. Mais gare s’il agit à l’opposé de ses passions ; il doit jouer son personnage en tenant compte de qui il est, et pas juste de ce qu’il est capable de faire. Pareillement, avec des notions de mesure chiffrée de fidélité, d’attachement familial ou amoureux, tout autant capables de fournir des bonus de jeu que de lui mettre des bâtons dans les roues, le personnage sort désormais de la simple liste de capacités et de compétences pour devenir un personnage d’émotions et d’attachements affectifs. Une première dans le monde du jeu de rôle.
Mieux, Pendragon casse même notoirement les logiques de progression du personnage en vigueur à l’époque. D’une certaine manière, il introduit les prémices du jeu de rôle théâtral, et je vais retrouver son influence et ses modèles dans nombre de jeux de rôles sortis dans les 15 années qui vont suivre, avant que ces idées ne soient oubliés au profit du principe qu’elles coulent de source et soient remplacées par des mises en place contextuelles et des conseils de jeu et d’interprétation. La mécanique de Pendragon reste très old-school… TRES. Mais elle introduit de petites révolutions qui vont faire leur chemin, et que vous retrouvez désormais parfois sans même le savoir, partout dans vos JDR comme allant de soit.
Pour la petite histoire, on a souvent prétendu sous mon nez, et avec le plus magnifique mépris, que Pendragon était un jeu de filles. Si si… Alors soit, mais si un jeu de rôle privilégiant l’intelligence, l’interprétation, et la théâtralité est un jeu de filles, pour le coup, y’a de quoi en tirer grande fierté.
Mais c’était une autre époque… et tant mieux, qu’elle ne revienne pas !
Les plus et les moins
- Pendragon a vieilli. C’était un jeu pratiquement révolutionnaire à sa sortie, mais le bouzin n’a guère évolué, ni dans la forme, ni dans le fond. La cinquième édition du jeu est même pour moi une sorte d’hérésie dans le sens où elle fait un énorme retour en arrière en limitant totalement le cadre du jeu aux contés arthuriens de l’Angleterre, réduisant à sa portion congrue un monde vaste, varié et riche.
- Qui n’a jamais rêvé de vivre des aventures de romances et de chevalerie avec un système qui leur donne la part belle et où non, vous ne pouvez pas jouer de barbare tueur psychopathe à personnalité multiple massacrant des cohortes d’ennemis pour piller le trésor et les XP ? Pendragon est un jeu de finesse, d’intelligence et d’interprétation. Et les combats et autres accidents mortels SONT mortels.
- Pour vraiment faire jouer à Pendragon, il faut se plonger dans une bonne bibliographie. Bref, si vous n’aimez pas lire, ou n’avez pas le temps de prendre le temps de connaitre un contexte et aller vous renseigner dessus, vous serez déçu. Il est exigeant, il l’a toujours été sans s’en cacher. Et le jeu de rôle en lui-même ne se suffit pas pour aborder ce contexte de l’Europe Arthurienne.
- Créer un personnage y prends du temps… Vraiment. Vous voilà prévenus. C’est d’ailleurs un peu lourdingue, et j’ai toujours tendu à préférer étager les détails de la création du personnage en cours de jeu, en étapes.
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