La Muse & le Mentor
Bon, tandis que je prépare une seringue pour m’envoyer direct mon 4ème café en intraveineuse histoire de parvenir à m’extirper de ma léthargie galopante – je pense rejoindre un club d’ours polaires ; hiberner, ça me botte – me venait une réflexion que j’ai eu hier suite à des questions idiotes, pardon naïves, d’un curieux qui passait sur ma page Facebook. Et ceci, presque au jour d’un anniversaire bien particulier (bon, ok, 8 jours après, rha. Soit…)
Une question très stupide : parce qu’elle n’a aucune réponse simple mais que les gens veulent une réponse simple et facile : comment fais-tu pour dessiner ? En général, je réponds : avec mes doigts, un crayon, des pinceaux ; ha, aussi avec une tablette graphique… Oui je sais : je trolle. C’est méchant. Mais si vous aviez encore un doute sur ma méchanceté en venant sur ce blog, je ne puis plus rien pour vous, moi !
Pour en revenir à cette question ; parfois, je réponds plus honnêtement selon la manière dont la question fut formulée : copier, copier, copier, apprendre, apprendre, apprendre, recommencer, recommencer, recommencer, et ne pas avoir peur d’y passer trois ans. Non, parce que c’est ça et, si jamais vous en doutiez, prenez bien conscience que c’est très exactement ce que j’ai fait ces trois dernières années ! Ha, bien sûr – et j’ai aussi parfois ces commentaires – on me dira que pour moi, c’était facile, je dessinais bien. Ouais ; pas faux… Très juste même. Mais je ne dessinais que bien… c’est-à-dire largement en dessous du niveau de n’importe quel bon auteur de bédé ou illustrateur pro. Ho, on est d’accord, illustrateur ou artiste pro ne veut pas forcément dire grand-chose et encore moins ces dernières années, où on sent bien qu’en France, la culture, qu’elle soit littéraire ou artistique, sauf si elle passe à la télé, est priée de mourir sans bruit, merci.
Mais moi, devant mes petits camarades, des collègues de travail, des amis, d’anciens élèves, j’avais juste une putain de honte. Et puis je croise le travail de Stepan Sejic. Je me prends une branlée mentale magistrale, je ramasse mes dents avec mes petits doigts cassés et je décide que, merde, s’il l’a fait, s’il a été, comme il le dit lui-même, une photocopieuse vivante bossant 15 heures par jour uniquement dans le but de progresser, je peux le faire !
Il y a trois ans :
Trois ans plus tard…
Je l’ai fait. Ha, c’est pas fini et je suis la première à manquer salement de confiance en moi ou d’assurance dans mon travail ! Mais je l’ai fait et je suis partie pour signer une année de plus et ne jamais arrêter. Mais, je ne l’ai fait seule. Et si j’ai une vraie fanbase de gens qui adorent mon travail, le suivent, m’encouragent et me motivent, dans l’affaire, y’a cependant deux personnes qui sont particulièrement importantes dans l’échelle de mes progrès et de ma persévérance.
Et c’est ici que je vais parler de la Muse et du Mentor. Parce que chacun d’eux, respectivement Alysia et Pierre le Pivain, doivent être considérés comme acteurs principaux de cette évolution constante, de cet acharnement qui ne me quitte pas et nourrit mes progrès. Ils doivent surtout, de ma part, en être honorés.
La Muse, vous la connaissez, c’est ma compagne, mon amante, ma femme, ma Maitresse, mon Ange : Alysia. C’est quoi une Muse au fait ? C’est ce qu’elle est : c’est une inspiratrice. Alysia est pratiquement toujours la première à voir mon travail. Elle est toujours là, par-dessus mon épaule, admirative et fascinée par ma passion et mes heures assidues jusqu’à tard dans la nuit, à lisser le moindre grain de couleur, ou refaire vingt fois le moindre trait, à chercher une idée, la croquer, la mettre en scène… et tenter d’en faire un moment de rêve sur papier. Et elle m’encourage, me félicite, sourit à mes œuvres, me conseille, me suggère et parfois n’hésite pas à critiquer ce qui est moins bon que d’autres. Mais son rôle, son plaisir, c’est de m’inspirer, par une idée, quelques mots, une évocation de couleur ou de forme et me regarder faire de ses inspirations… quelque chose, dont souvent, je n’ai guère de réelle idée par avance. Et quand je suis fatiguée, quand je déprime, quand je ne crois pas en mon travail, que je suis aveugle à mon talent, c’est elle qui, avec patience, me le rappelle et me murmure, dans un souffle et un baiser à mon oreille : repose-toi, puis continue… Rêve et donne à rêver, n’arrête jamais, regarde ce que tu fais désormais, comparé à ce que tu faisais autrefois ?
Et le Mentor… c’est Pierre le Pivain aussi connu sous le nom de plume : Le PiXX. Pas plus encore que pour Alysia, je ne lui ai jamais demandé de le devenir. Et, pour être honnête, il a eu un peu de mal à ce que j’accepte ses conseils et son aide, au début. Je suis fière… fière et susceptible ; orgueilleuse à bien des égards. Et comme je n’ai aucune forme de respect – et pas une once d’obéissance – pour quelque hiérarchie que ce soit à priori, il aurait pu être le Pape que ça n’aurait rien changé si je ne voulais pas de ses conseils. Mais voilà : j’étais tombé sur plus têtu que moi. Il n’a pas lâché prise alors que je me souviens l’avoir envoyé bouler poliment et j’ai finis par accepter de discuter. Je lui ai demandé « pourquoi ? ». Sa réponse est gravée à mon esprit et, à cet instant, il a gagné mon plus grand respect, à jamais : « pour que tu ne fasses pas à ton tour toutes les conneries que j’ai faites, moi aussi et que tu y gâche ton talent ». Depuis, et c’était il y a un an pratiquement jour pour jour (ça date du 7 Novembre 2016 et le dessin sur lequel il a commencé est devenu une sorte de point de repère personnel), il me conseille, m’aide, me critique, me mets au défi, m’emmerde comme pas possible et me fait chier pour me pousser. Et quand j’hésite ou n’ose pas avancer, il me colle des coups de pied au cul à vitesse de libération orbitale. Il ne me lâche jamais, il est toujours là, il prend de son temps pour m’expliquer, me montrer des exemples, retoucher mon travail pour me guider et me rassurer aussi quand je suis perdue. Et je sais qu’il est fier de voir les progrès que j’ai accompli et que je n’aurais su faire sans lui. Le plus drôle est que des gens m’ont fait remarquer : mais il dessine plus mal que toi ?! J’ai ris, je dois dire. Non, il dessine différemment et clairement, qui aime mon style ne va pas forcément aimer le sien. Mais bon dieu, si vous saviez son niveau ? C’est sans doutes quelque chose de plus facile à appréhender quand on est pro, je pense. Mais s’il est professeur dans plusieurs grandes écoles d’art et de graphisme, n’en doutez pas une seconde : c’est un monstre de technique, d’expérience, de culture et de compétences. Et s’il dessine des personnages moins beaux que les miens ? Ben c’est simplement parce que c’est ce qu’il aime faire, c’est aussi simple que cela !
L’illustration en question :
Alysia et Pierre ont un point commun… mis à part que la première, parfois, n’aime pas toujours le second quand il me démonte un boulot en cours, qu’elle trouve merveilleux, pour me forcer à aller plus loin. Bha oui, Alysia n’aime pas les gens qui pourraient me faire du mal et parfois, Pierre me froisse, dans ces cas-là. Mais vous n’avez pas idée comme elle peut le respecter et ses efforts et sa passion vis-à-vis de moi. Je dois dire que c’est marrant. Mais ils ont un point commun, disais-je : ce sont des têtes de mules, opiniâtres et patientes au possible. Il fallait cela pour me supporter. Leur autre point commun est que je ne leur ai jamais demandé cette aide, car je ne demande jamais rien : je n’aime pas ça. Mais par toutes les étoiles infinies, vous deux, puisse un jour le destin me donner occasion de vous remercier à la valeur du cadeau sans prix que vous me faites…
En conclusion… heu… y’en a pas ? Si ! Une ! Choisissez bien qui vous allez écouter, qui deviendra votre conseiller ou votre mentor. Et ne choisissez surtout pas le plus conciliant. Vous avez besoin d’une Muse pour vous inspirer et vous encourager, mais vous avez aussi besoin d’un Mentor, qui soit vraiment aussi bien un professionnel qu’un véritable pédagogue, qui sera un sale con si nécessaire pour vous faire avancer à marche forcée, même quand vous ne le voulez pas. N’allez pas les chercher : attendez simplement qu’ils viennent et ayez juste le génie – et la modestie, parce que là, faudra de l’humilité – de savoir quand ils vous ont trouvé.
NB : si vous voulez découvrir la bande dessinée webcomics de Pierre le Pivain, Hot Space, elle a un site dédié ici !
Illustration de l’article, un projet pas encore achevé :
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