HumeurRien à voirUn dessin par jour

Causons transsexualité, science, et société, pour débunker les connards.

Photo : ma petite sœur, July, une des premières personnes trans que j’ai aidé et guidé, photo prise lors de l’Existrans 2005.

Ok, j’en ai marre d’entendre les conneries proférées sur les transgenres en ce moment, de « c’est une mode woke » à « on est en pleine contagion sociale » sans oublier les sempiternels « ce sont des malades mentaux qu’on encourage ». Promis, je reparlerais de dessins et de jeux de rôle plus tard, mais là, faut débunker, autant que possible, alors on va faire de la putain de science !!

TRIGGER WARNING : je vais causer de biologie évolutive et de neurologie, bref, de trucs scientifiques et médicaux. Et pas de la biologie à papa des cours de collège des années 70-80, hein ? De ce qui se fait en études de biologie évolutive, de neurologie et de sciences cognitives depuis 20-25 ans à la louche. Je vais aussi pas mal vulgariser ; c’est le but, pour que tout le monde comprenne facilement.

Pour entrer dans les détails les plus poussés, je mettrais des sources en fin d’article, mais il faudra vous adresser à de vrais experts scientifiques du sujet pour aller plus loin. Si je préviens, c’est parce que certains transgenres admettent mal eux-mêmes que leur existence ait des causes biologiques – autant que sociales, d’ailleurs ; une sorte de défiance, bien compréhensible, contre le corps scientifique et médical qui n’a pas fait que galvauder le sujet, mais aussi maltraiter les trans salement, et encore aujourd’hui.

Mais moi, ça m’intéresse, en tant que mon propre sujet de ma curiosité scientifique. Il n’y a rien dans mon histoire qui ait pu expliquer de manière claire pourquoi je suis trans ; et pourtant je le suis. Et ayant suivi le parcours d’une petite centaine de trans, dont une bonne moitié dès les débuts de leur prise de conscience – voire avant – je sais que ce constat les concerne dans la grande majorité des cas. D’ailleurs, c’est un point commun avec l’immense majorité des homosexuels, soit dit en passant : y’a en général aucune cause sociale ou contextuelle. Ils sont ce qu’ils sont, sans explication simple qu’on pourrait toucher du doigt. C’est, pour simplifier, la « nature » qui en a décidé.

1- Le rôle des homos dans la nature

Causons pour commencer de biologie évolutive ; un détour rapide, nécessaire ici, pour que vous compreniez le souci : un truc avec l’évolution, c’est que son fonctionnement, chaotique par essence, a tout de même comme effet sur le long temps d’éliminer tout ce qui (pour le vivant qui a comme finalité de se reproduire et de se perpétuer) menace les chances de perpétuation de l’espèce.

En clair, si les homosexuels ne servaient à rien, par exemple, il n’y en aurait pas (ou pratiquement pas). Mais forcément, à quoi ils pourraient bien servir pour la perpétuation, hein ? Ben, pour comprendre, il faut cesser de penser à une espèce en tant qu’individu, mais en tant que système. Dans un groupe, chez les mammifères et les oiseaux par exemple, les plus faciles à observer du point de vue comportement sexuel, il y a toujours des homosexuels. Si leur rôle précis reste encore sujet d’étude, on en voit deux premiers, depuis quelques années : c’est un réservoir de parents adoptifs disponibles, autant qu’un système de cohésion sociale entre individus du même sexe qui seraient autrement tentés de se mettre sur la tronche pour la compétition à la reproduction. Bref, les homos, dans la nature, promeuvent la paix sociale dans leur groupe en favorisant une unité et une solidarité, qui va jusqu’à la capacité à élever et protéger les nouveau-nés qui auraient perdu leurs parents, quand les autres parents ont déjà leurs marmots sur les bras et vont pas risquer la vie de ce dernier pour s’occuper de rejetons qui ne sont pas à eux.

La nature n’a aucune limite, et se fout bien du sexe biologique et des genres : si quelque chose semble utile pour la perpétuation, elle se fout que ce soit pour celle de l’individu : seule l’espèce compte. C’est au point où on ne connait PAS de marginalisation des individus homosexuels dans la nature, même pas chez les chimpanzés ou les bonobos. Pour les animaux, c’est l’homophobie qui est contre-nature, car elle génère de la violence et de la mortalité.

2- Le problème des trans dans la nature

Alors, toujours en restant au niveau des mammifères, même si on retrouve aussi cela chez les oiseaux, la biologie évolutive nous fait remarquer qu’il y a un problème, qu’il a été assez facile de constater par l’observation. Un individu homosexuel ne « se prend pas » pour un mâle (ou une femelle) devant d’autres mâles. Il en est un, de mâle, il peut, et va, en adopter les comportements sociaux en général, sauf qu’il va être plus conciliant qu’agressif et préfère aller trouver un autre mâle homo pour les galipettes. Pareil pour les femelles, elles ont les comportements et rôles sociaux des femelles dans le groupe, sauf qu’elle ne veulent pas se faire sauter par des mâles et préfèrent les copines elles aussi homos.

Mais un individu transsexuel, lui, nait d’un sexe mais se considère de l’autre (pour schématiser, je précise). Selon les espèces, le dimorphisme sexuel et les relations de compétitions entre les membres conduisent à ce que la vie de l’individu trans dans le groupe se passe très mal, voire débouchent à la mort prématurée. L’individu trans, qui n’est PAS homo, hein (pas à priori, genre et sexualité n’ayant rien à voir ici) veut entrer, son instinct le lui impose, dans le jeu cruel de la compétition à la perpétuation, quand l’individu homo trouve sa place dans le renforcement des liens sociaux du groupe et son rôle de réservoir de parent adoptif disponible.

Bref, l’individu né trans n’a rien à voir avec l’individu homo et sa nature le met directement en danger au sein du groupe et de l’espèce. L’évolution ne lui a pas trouvé de rôle – en tout cas chez les mammifères, car ailleurs, c’est mardi – et pour cause, seul le chaos engendre une réponse évolutive propre à l’intérêt de l’espèce. Les trans ne se reproduisent pratiquement pas (et pour cause) et leur particularité n’a, apparemment, aucun intérêt jusque-là, pour les mammifères. La nature n’a rien fait pour conserver et perpétuer ce trait, qui n’a aucune utilité pour elle, à priori. Il y a donc très peu de transsexuels… et quand il y a très peu de quelque chose dans la nature au sein d’une espèce, c’est qu’on est face à un accident.

3- L’étiologie de la transsexualité

Les accidents, dans la nature, il y en a des pétées, hein. Allons directement taper dans l’exemple le plus évident : les handicaps divers et variés à la naissance, les malformations, les intersexuations en veut-tu, en voilà, sont tous des accidents. Certains condamnent l’individu avant qu’il soit en mesure de se perpétuer, d’autre compliquent la chose (ou parfois pas du tout), mais ne grèvent pas les chances de perpétuation et donc, ne disparaissent pas par la loi implacable de la sélection naturelle.

NB : NON, ce n’est pas le plus fort qui survit, seulement celui qui peut vivre le temps de se reproduire et transmettre ses gènes ; la nature se fout royalement « du plus fort », elle se fout de l’individu, seule la perpétuation de l’espèce compte. D’ailleurs, la leçon est simple, dans le milieu des mammifères à forte compétition reproductive : le mâle dominant dans un groupe ne le reste que 1 à 4 ans en moyenne, la moitié des petits nés sous son règne ne sont pas de lui mais de ses concurrents, parce que les femelles batifolent dans la joie, et tenir sa place de dominant au sein d’une forte compétition,  même pour un délai très bref, est ce qui le tuera le plus efficacement. C’est bien pour cela que la collaboration et les relations sociales priment en général sur la compétition pure et dur chez beaucoup de mammifères.

Mais les trans, dans cette histoire ? Pourquoi, alors ? Parce qu’accident ; et là, on a de bonnes grosses hypothèses, testées autant que possible par l’expérimentation, qui sont de l’ordre de la neurobiologie. On distingue trois hypothèses : Un développement cérébral atypique, une imprégnation hormonale altérée et, enfin, un polymorphisme génétique (que je ne vais pas traiter ici, car c’est très compliqué)

Pour comprendre, il faut savoir que, chez tous les mammifères, le fœtus démarre sa vie en tant que modèle femelle. Hé ouais : la différenciation sexuelle du cerveau se produit tardivement, pendant la gestation, en plusieurs étapes complexes, et elle ne survient seulement qu’après celle des organes génitaux.

Or, le cerveau, chez les mammifères, n’est pas exactement le même chez les mâles et chez les femelles ; on l’a vérifié chez les humains, je précise, même s’il y a encore débat, car chaque cerveau est unique et que repérer des différences quantifiables est encore du domaine du très compliqué (et va le rester un moment). Le noyau sous-cortical présenterait donc deux différence : il serait un chouïa plus gros chez les mâles. Il s’y trouverai aussi des neurones spécifiques dans l’hippocampe (les neurones à somatostatine, vala, c’est dit) qui n’apparaissent qu’à la gestation (rien ne les modifie plus tard, y compris aucun traitement hormonal), en lien avec la sexuation du cerveau. Il y a encore d’autres points remarquables, mais là, on pousserait dans la neurologie très loin, et les études sont encore en cours. Ce qu’il faut bien retenir, c’est que tout se joue dans le cerveau pendant la grossesse, de manière tardive, APRES apparition des organes génitaux formés.

Maintenant, pensons accident : un pic hormonal, ou un incident biologique du même gabarit, à ce moment charnière de la grossesse, atteint le fœtus et son système nerveux en plein développement critique. Au lieu de recevoir le message attendu et correct de sexuation du cerveau, le fœtus reçoit un message opposé. Il se mets à modifier l’hippocampe et ses neurones pour obéir sagement à ce message, malgré que tout le reste de son organisme soit déjà sexué ! Et paf, à la naissance, le mammifère sera transgenre : corps d’un sexe mais cerveau d’un autre. Ici, il n’y a aucun choix, pas plus qu’il n’y a de prédisposition génétique à priori – en tout cas, pas encore quantifiable ou identifiée. Il n’y a aucune sélection que la nature pourrait faire sur le nombre de ces accidents : ils arrivent, car ils doivent arriver, c’est de la loterie ! Un choc traumatique, une petite variation génétique chez papa-maman, une modification ponctuelle de l’environnement, l’intrusion d’un perturbateur endocrinien, et j’en passe, et, arrivé au moment exact où le cerveau du fœtus doit se sexuer, les choses ne se passent pas du tout comme prévues par la mécanique de la gestation. L’accident est un phénomène statistique imprévisible ; seul le hasard l’a décidé, éventuellement encouragé par les conditions environnementales et contextuelles.

4- Conclusion

Dire que la transsexualité se limite uniquement à une explication biologique serait réducteur : le phénomène est tellement complexe, que cela ne peut PAS être la seule explication. Mais en 2022, on peut déjà écarter l’immense majorité des causes sociales et encore plus les « effets de mode ». Il y a bien des personnes qui peuvent croire que leurs problèmes d’identité sont liés à la transsexualité , mais il y a des psys spécialisés pour les aider à faire le bon diagnostic à ce sujet. Il y a, en effet, pas mal de personnes homos ou sujettes à des problèmes de genre qui pourront se tromper de diagnostic, et quelques-unes à se planter dans les grandes largeurs. Mais le parcours de réassignation de genre pour les trans est un tel parcours du combattant, que le nombre d’erreurs de parcours se corrige tout seul très vite.

Mettre en lumière ces erreurs de parcours est juste une stratégie politique et idéologique du « mouton noir » qui consiste à exploiter l’ignorance des gens sur la transsexualité pour s’en servir afin de discréditer et discriminer l’ensemble de la population LGBT+. Ouais, c’est de la politique. Oui, c’est de la haine homophobe enrobée de fausse indignation.

Parce que tout ce que j’ai expliqué plus haut, c’est de la putain de science ! Mais de la science qui ne va pas dans le sens des réacs, des droitistes, des néo-con, des homophobes, des bigots religieux et des #coucouilles. C’est de la science moderne, actualisée, pas celle de leurs parents, au service de leur idéologie sexiste, homophobe et haineuse. C’est la science qui rappelle que le plus puissant moteur de l’évolution, c’est la diversité et l’hybridation, et pas les théories raciales et sexistes, qui te disent que le noir est fort et con, que la femme est faible et nulle en maths, et que le pédé est un malade mental.

C’est la science moderne, qui te démontre le sérieux de ses réponses, par les expériences, les analyses, les statistiques, l’emploi de tous les outils modernes, la multiplication des études et leur comparaison, par leur remise en question et leur confrontation à la controverse. Tous ces trucs que ce qui est devenu des pseudos-sciences au services des idéologies les plus pourrie, fuient comme la peste. Car la science moderne leur a totalement démontré à quel point ils ont tort et ils refusent de l’entendre. Eux ne font pas de science : ils font du dogme.

Je suis trans. Je suis la résultante d’un accident statistique irréversible, je n’en ressens rien, à ce propos ; ni gène, ni honte, ni fierté. Je suis ce que je suis et, puisque l’alternative est une vie de déchéance, de dépression et finalement une mort prématurée, et que nous sommes désormais, par notre évolution culturelle, beaucoup plus que des mammifères, je peux réclamer et obtenir, comme tous les trans, de vivre ce que je suis, de profiter des progrès de la médecine, de la science et de la société, pour apporter, à la culture de l’humanité, cette diversité qui va avec ma nature de trans.

Je disais plus haut : « la nature n’a rien fait pour conserver et perpétuer ce trait, qui n’a aucune utilité pour elle, à priori ». Mais il en a déjà eu, socialement, pour nombre de cultures humaines. Et si, justement, il était à nouveau en train de retrouver cette utilité, ce rôle, perdu dans les méandres de l’histoire et écrasé par le poids des religions ?

Je suis trans : et j’en tire une immense fierté.

 

(Quelques) sources & références :

https://www.swissinfo.ch/fre/l-homosexualit%C3%A9-et-les-relations-queer-ne-sont-pas-contre-nature/47178626

Between the (Gender) Lines: the Science of Transgender Identity

https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2016/revue-medicale-suisse-510/le-point-sur-les-etiologies-biologiques-de-la-transsexualite

https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2009/revue-medicale-suisse-213/transsexualite-et-etudes-genetiques-d-association-une-base-genetique-a-la-transsexualite

https://fr.wikipedia.org/wiki/Causes_de_la_transidentit%C3%A9

https://en.wikipedia.org/wiki/Homosexual_behavior_in_animals

https://www.sciencedaily.com/releases/2020/02/200205084203.htm