Non, je ne suis pas une bonne illustratrice
Il y a peu, comme cela arrive régulièrement, un quidam oubliable m’aborda en privé (cet échantillon de la bêtise humaine là n’aborde jamais ni publiquement, ni frontalement, leur audace a ses limites), pour venir m’expliquer que mon niveau de dessin interdit mes propos et jugement sur la défense de mon métier, qui sont rendus donc de fait caduques par la médiocrité de mon talent et de mon art. Il devait ricaner d’avance à ma réaction outrée de protestation.
Il fut déçu. Je lui donnais raison sans hésiter sur ce point. Si si… Avant de lui expliquer sommairement que cela n’allait pas m’empêcher d’ouvrir ma gueule et de défendre à chaque occasion que je trouve nécessaire les intérêts de la profession des illustrateurs et créatifs dont je fais modestement partie, et qu’il pouvait donc se carrer son avis là où la lumière ne pénètre jamais, sauf de force avec une Maglite. La seconde d’après, il rejoignit le bourbier des commentateurs idiots, des donneurs de leçons, des moralistes des trolls et des spammeurs de ma liste d’ignorés.
Mais il a raison. Je ne suis pas une bonne illustratrice et j’en ai pleinement conscience. Explications…
Je possède un talent rare -pas tant que cela, mais assez rare, certes- qui est de savoir dessiner et peindre des petits mickeys relativement beaux et sympathiques, avec un certaine technique et des décennies d’entrainement et de pratique. J’ai commencé à 15 ans de manière sérieuse et j’en ai même fais mes études -arrêtées prématurément parce que plus de fric- et ma profession. Enfin, en théorie. Car si j’ai 44 ans dans trois jours, j’ai du travailler dans le milieu artistique et créatif une dizaine d’années. En fait, en comptant : quatre ans en communication visuelle et webdesign, deux ans comme designer en jeux vidéos, deux ans à faire de la bédé, et quatre ans de plus comme illustratrice freelance. Et dans tout ça, salariée dans le milieu pas plus de deux-trois ans. Le reste du temps, je faisais de mon mieux pour avoir un boulot payant les factures et remplissant mon frigo.
Le plus vieux dessin conservé sur mon disque dur. Et c’est du cul, en plus, on ne se refait pas. Il date de 1997 :
Finalement, peindre et dessiner était ma passion, mais changée en marotte que je pratiquais quand je n’étais pas trop crevée le soir ou quand j’étais au chômage, et ce la majorité de ma vie. Ma passion ne m’a que rarement nourrie et permis d’avoir un taff, et donc, elle fut longtemps laissée de coté. Quel intérêt finalement à vouloir progresser encore et encore quand il manquait clairement de motivation matérielle à le faire ? Le dessin n’est pas un don, c’est une aptitude qui se travaille, qui s’exerce et s’entraine, qui ne nait pas ex nihilo. C’est comme piloter : conduire c’est facile, piloter dans un rallye ça demande des années d’entrainement. Et personne ne nait non plus chirurgien, tailleur de pierre, chef de cuisine, ou avocat.
Quelques exemples de VIEUX trucs, datant des années 2000. Ça pique les yeux, vous êtes prévenus :
Je n’ai donc guère brillé comme illustratrice. Non, j’étais pas un génie, non je ne dessinais pas ce que je voulais à 20 ans, ni même 25. En fait, je commence vraiment à faire des jolies choses depuis seulement quelques années disons 4 ou 5, moment où j’ai repris mon travail, en tentant de m’améliorer et progresser au mieux. Je ne sais pas dessiner les chats, je suis nulle dès que faut faire de l’architecture, mes perspectives sont le plus souvent aux fraises si ne me fais pas attention, j’ose à peine commencer sérieusement les décors et je ne fais de la peinture numérique à peu près correcte que depuis un an. Et j’explore à peine depuis six mois des techniques d’encrage et d’illustration plus personnelles, en ayant découvert quasi par hasard que finalement, l’encrage tranché ombre et lumière, tramé, était vraiment ce qui me permettait de faire les plus belles illustrations à mon niveau.
Quelques illustrations pour le jeu de rôle Tigres Volants, 2004-2005 :
Ma première illustration quand j’ai repris sérieusement le travail et l’entrainement, vers 2008 :
Maintenant, je regarde souvent des collègues et contacts illustrateurs sur Facebook… je pourrais en citer quelques-uns, parmi les derniers découverts dont je ne vous ai jamais parlé. Alice Picard, Stéphane Louis, Olivier Sanfilippo, Bénédicte Ammar, Coliandre et j’en passe. J’admire leur travail, et je le jalouse un peu aussi. Je n’ai pas ce talent. Je le voudrais bien. Mais on fait avec ce qu’on a, et je me dis que je les rattraperais bien un jour ; je ne vais pas non plus me démotiver parce que trouver meilleur que moi n’est vraiment pas difficile.
Alors oui, je suis une médiocre illustratrice. Mais ce que je fais fait rêver le petit nombre de mes fans, et leur fait plaisir. Que demander de plus finalement, si ce n’est toujours faire mieux et progresser ?
Ha si…. gagner plus de sous. Mais bha, ça vient doucement !
Et voilà, maintenant, je fais des trucs comme ça :
La prochaine fois que tu passes à la maison – ou le contraire – je tâcherai de retrouver dans mes archives des dessins encore plus vieux que ça. J’en ai des qui doivent dater de notre première rencontre, au FSO en 1992.
Ho ouais !!! Faut que je les scanne, ça va piquer les n’yeux 😀